La Bourse pour la vie

Article écrit en janvier 2019.

Saviez-vous que l’Hermès des Grecs [1], ou le Mercure des Romains [2] était le dieu qui présidait au commerce [3], à l’éloquence, qu’il était le messager des dieux [4] et le patron des voyageurs [5], des filous et, accessoirement, qui était chargé du soin de conduire les âmes des morts dans les enfers ? Oui-oui ! les mêmes fonctions patronales que le Saint Christophe [6] des Catholisques romains — je ne ferai pas la liste des partages fonctionnels entre les « dieux romains » et les « saints romains » dans cet article… non, pas cette fois —.

C’est quand même marrant de constater que le voleur, le commerçant, le hâbleur au bagou [7], le voyageur et le croque-mort aient le même patron, non ? Surtout quand on sait que le marchand est souvent voleur, que le voleur voyage beaucoup, que le voyageur peut se faire voler, même par un autre voyageur et que tous ont le bagou pour vous vendre tout et n’importe quoi, jusqu’à vous vendre à vous-même et toujours en vous écorniflant davantage la bourse, quand elle n’est l’objet de rapines.

« Les voyageurs, c’est fait pour voyager, le temps n’a rien à voir là-dedans« 

— Jean Gabin, Un Singe en hiver (1962)
Henri Verneuil (dial.: M. Audiard).

« Faire commerce, c’est voler aux uns pour faire profit en revendant aux autres » me disait un voisin, alors que j’étais minot.

Les techniques, testées, mises à l’épreuve et approuvées durant des années, voire des siècles : d’arnaques et de filouteries, devenues scientifiques et légalisées par une politique mondiale, pardon, par une politique globale « du libre commerce », « du tout marchand » et « du tout marchandise », sont l’apanage des élites, qu’elles soient religieuses, politiques ou économiques.

« Je suis un chasseur de têtes, un véritable orfèvre du boniment. Je vends le rêve américain. J’amasse des fortunes avec des bonnes paroles et du baratin. Je marche sur les traces de géants qui m’ont précédé : des vendeurs rompus aux techniques du métier. Colporteurs, vendeurs de bibles, promoteurs véreux.« 

Last call (A Family Man).

Ici ne sera traitée que l’arnaque quotidienne que nous subissons tous sur les produits de consommation courante par le prix qui, sans cesse, augmente alors que les experts nous disent le contraire.

Deux techniques simples :
– l’une est d’augmenter d’un coup le prix d’un produit, ou progressivement, petit à petit, et de faire une promo bidon sur un temps limité qui, finalement est plus cher que le prix quelques jours, semaines ou mois plus tôt ;
– l’autre est de ne plus rendre disponible le produit durant une période suffisamment longue pour que l’on en oublie son prix et, soudainement ! présenter à nouveau ce même produit avec un prix nettement plus élevé.
Tous les supermarchés le font, tous ! Et il le font sur tous les produits de consommation courante, tous les produits de consommation courante  !

« Alors là, ça n’est plus du hasard mais de l’informatique.« 

— Michel Galabru, Les Gros malins (1969) Raymond Leboursier.

L’excuse est pour la première technique « le cours mondial du produit brut nous contraint à augmenter progressivement le coût auprès du consommateur« . Ah bon ? Dans ce cas, pourquoi n’avons nous pas accès aux cours journalier du riz, du blé dur, de la patate, du lait et j’en passe ? Tout simplement parce que ce serait trop de boulot pour nous de vérifier, alors qu’ils sont contrôlés par des algorithmes informatiques automatiques et instantanés et, qu’un petit fournisseur ne dépend pas des côtes boursières, mais de la pression marchande de chaque enseigne… certains vont même jusqu’à raquer — se faire racketter ! — pour espérer voir leur produit dans les rayons.

L’argument de la seconde est celui que les marchands ont annoncé plusieurs fois pour faire du blé sur le blé de froment, au nom de la nature régulière du commerce, sous les règnes de Louis Le XVe et Le XVIe, pourtant « protecteurs du grain » : « tous les greniers sont vides« , rupture de stock ! C’est allé si loin sous ces deux règnes que cela a causé des famines durant plus de trente ans et a provoqué la dernière Jacquerie [8] appelée Révolution française TM.

« C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup« 

— France Gall.

« Ah ben ça, si vous l’dites…« 

La Belle Verte (1996) Coline Serreau.

Une autre technique ? Allez : deux !

  • le poids net indiqué sur tous les produits ! ne correspond même pas au poids brut (tout compris : emballages, etc.) ;
  • toutes les balances sont fausses ! parce qu’elles ne sont plus contraintes aux normes des « Poids & mesures » et vérifiées par les organismes officiels qui, d’ailleurs, n’existent plus. Afin de nous rendre aveugle à ce phénomène, de moins en moins de balances électroniques sont encore accessibles aux consommateurs : elles sont intégrées à la caisse ! De jolies balances décoratives (à l’ancienne avec ressort) sont à disposition pour permettre de se faire un ordre d’idée, guère plus.

« Ça balance pas mal, Ça balance pas mal à Paris, Ça balance aussi« 

— France Gall.

Je ne vous parlerai pas des techniques de manipulations, telles que : le pied dans la porte, la porte au nez ou le pied dans la bouche.

Bref ! En plus d’être des moutons castrés, des vaches-à-lait et des charlots, nous sommes également aveugles comme des taupes et ça, ça arrange bien tous ces requins et ces meutes de loups toujours affamés et jamais rassasiés !

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[1] Hermès ; ne pas confondre avec ‘Hermès trismégiste’, c’est-à-dire : Hermès trois fois grand, personnage auquel on attribuait une très haute antiquité et un livre spirituel et philosophique de source égypto-grecque.
[2] Mercure, en Latin : Mercurius ; de merx, marchandise.
[3] Commerce : du Latin commercium, de cum, avec, et merx, mercis, marchandise.
[4] Messager, de message : du bas-latin : missaticus, celui qui est envoyé, qui a commission.
[5] Patron : Terme d’antiquité ; chez les Romains, le maître à l’égard de l’affranchi, le protecteur à l’égard du client. Celui, celle qui sert de protection, d’appui ; celui, celle qui s’intéresse à notre fortune et qui cherche à la pousser. Saint, sainte, dont on porte le nom. Familièrement : le maître d’une maison. Du Latin : patronus, patron, protecteur, dérivé de pater : père.
[6] Christophe de Lycie, communément représenté par un homme traversant un cours d’eau et portant un enfant sur l’épaule, est patron des voyageurs.
[7] hâbleur au bagou, de hâbler : Parler avec vanterie, avec exagération ; du latin fabulari, parler (le verbe hablar, qui signifie parler, a pris un sens péjoratif dans le français, de même que parlar, qui vient du français, a pris un sens péjoratif en espagnol). — & Bagou : bavardage où il entre de la hardiesse, de l’effronterie, et même quelque envie de faire illusion ou de duper. Mot tout à fait populaire.

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